À l’occasion de l’exposition Barbara à la Philharmonie de Paris, retour sur six adresses parisiennes indissociables de la mélancolique chanteuse. De sa vie comme de son oeuvre.
50 Rue De Vitruve
C’est au 50 rue de Vitruve, dans cet immeuble austère de cinq étages, que Monique Andrée Serf (qui deviendra Barbara) caresse de ses doigts les touches de son premier piano noir. Une rencontre hantée par la disparition de sa grand-mère et les ravages de la guerre – que sa famille fuit. Une plaque commémorative affichée à cette adresse aujourd’hui historique du quartier de Charonne nous rappelle ces mots issus de sa chanson Perlimpinpin : « Et faire jouer la transparence / au fond d’une cour aux murs gris / où l’aube aurait enfin sa chance ».
Théâtre de Bobino
La salle de music-hall de la rue de la Gaité n’a pas seulement accueilli Edith Piaf, Juliette Gréco, Jacques Brel, Dalida et Léo Ferré. Sur les planches de cet ancien théâtre à la vie tumultueuse (détruit puis reconstruit), une Barbara naissante pousse la chansonnette auprès du provocateur George Brassens… qu’elle finira par éclipser. Au cours du mois de septembre 1965, c’est dans ce lieu populaire du Tout Paris, où se jouaient autrefois vaudevilles et mélodrames, que l’élégiaque connaît son premier grand triomphe critique. À ceux qui l’admirent depuis les instants de grâce de Bobino, la vedette dédiera l’ode Ma plus belle histoire d’amour.
14 Rue de Rémusat
À deux pas du métro Mirabeau se trouve la rue de Rémusat, voie bordée d’arbres nous menant à la Place de Barcelone. Barbara y loge six ans. La mort de sa mère, qui louait un studio dans le même immeuble, la fait quitter ce lieu lourd de souvenirs. « J’ai quitté Rémusat depuis que vous êtes partie / C’était triste, Rémusat, depuis que vous n’étiez plus là » confiera-t-elle de sa voix chagrine. Celle que l’on surnomme « La Chanteuse de minuit » déserte une rue de prestige : Arletty y est restée près de trente ans de sa vie. Le dimanche, on y vagabonde le vague à l’âme, en pensant aux vers de Verlaine et aux paroles de l’énigmatique chanteuse.
Gare de Lyon
Dans Gare de Lyon, Barbara décrit ses jours de pluie près du métro Rome, aux abords d’une Seine « plus grise que la tamise ». La gare du douzième arrondissement lui apparaît comme la promesse d’une évasion. On y prend le train pour l’Italie et ses week-ends en amoureux. Non sans dire à Paris « au revoir et merci ». D’un quai à l’autre, cette gare abritant en son sein un mythique restaurant néo-baroque (Le Train bleu, classé monument historique) fait entendre l’une des grandes obsessions de la diva : les voyages. « Ah les voyages, aux rivages lointains, aux rêves incertains » souffle-t-elle dans sa ballade éponyme.
Square des Batignolles
Récit mélodramatique d’une innocence sacrifiée, Perlimpinpin donne l’occasion à la dame en noir d’évoquer les « rires de l’enfance ». Ceux qui se font entendre au square des Batignolles, endroit familier de sa petite jeunesse. On y traîne son spleen et ses souvenirs des saules tortueux aux noisetiers de Byzance. Le long de ce parc verdoyant du 17e arrondissement, traversé par l’allée Barbara, les mots de la complainte Dis, quand reviendras-tu ? galopent dans notre tête : « Nous irons voir ensemble les jardins refleuris / Et déambulerons dans les rues de Paris« . L’endroit idéal pour les âmes errantes, les grands inquiets et les romantiques.
Cimetière parisien de Bagneux
Le corps de Barbara repose depuis vingt ans au cimetière parisien de Bayeux, impressionnant lieu de 61 hectares dédiant une partie de son espace à la mémoire des Juifs exterminés durant la Seconde Guerre mondiale. Lorsqu’elle s’est éteinte, 2 000 personnes étaient présentes afin de lui rendre hommage. Dont de nombreux invités de prestige. Comme Fanny Ardant, Jacques Higelin, Valéria Bruni-Tedeschi ou encore Gérard Depardieu, ami de coeur, qui composât en sa compagnie le spectacle Lily Passion. La mort, pour Barbara, reste cette ombre « cachée par un grand foulard de soie ». Et le noir, couleur du deuil, « une lumière sublime ».