Radio Campus Paris a 20 ans. L’âge de raison pour le média associatif, celui que chantait Aznavour – Hier encore, j’avais vingt ans… Mais pourquoi faut-il encore écouter la radio préférée des étudiants parisiens ? A l’heure de l’anniversaire, réponse en six points majeurs.
Pour sa programmation musicale
On aime tendre nos esgourdes du côté de la station 93.9 FM. Les bonnes vibes qui en ressortent nous baladent d’une sensation à l’autre – indie rock, électro pop, chanson française et talents de demain. De Tout Foutre On Air à Sandwich Triangle en passant par Novomundo et Happy Milf Show, les sons des émissions du campus glissent du groove au dancefloor et du hip hop au boogie dansant.
Directeur d’antenne de l’hétéroclite radio, Christophe Da Cunha associe cet « éclectisme musical et disciplinaire » à l’audience qui en est réceptive : « notre auditeur-type est ce qu’est la jeunesse en général : il écoute de tout, métal, reggae et musique classique. C’est pour cela que sur notre antenne, les gens qui parlent dans le micro lui ressemblent : ce ne sont pas des spécialistes mais des passionnés, qui racontent des histoires comme un pote te raconterait son style de musique favori » explique-t-il.
Pour son indépendance d’esprit
« Au delà des étudiants, des journalistes pros aiment venir bénévolement chez nous car ils retrouvent une certaine liberté qu’ils n’ont pas forcément dans leur métier. Radio Campus Paris est un média beaucoup plus libératoire que la radio traditionnelle » assure Maxime Fassiotti, présentateur de l’irrévérent Chablis Hebdo (où se savoure la verve des légendaires Laurin Jouffran, Celestin Traquenard et Bernard de la Minaudiére).
Il est difficile de ne pas voir en cette liberté innée, qui comme le rappelle Christophe était avant tout l’ADN d’une « radio étudiante pirate sur les bords« , la juste continuité des radios libres qui faisaient fureur dans les années 80. « Quand des antennes comme Radio Libertaire et Skyrock ont été lancées, il y avait tout un côté militant… qui a progressivement vrillé au mainstream pur. Alors que Radio Campus est toujours resté fidèle à son esprit » décoche Maxime.
Pour sa dimension « laboratoire »
Il n’y a pas qu’à la fac qu’on apprend. La preuve avec Radio Campus Paris, que Christophe décrit en « radio-école, où l’on forme et accompagne tous ceux qui le souhaitent ». Y prêter l’oreille, c’est goûter à autre chose que du son policé pour médias angoissés par le risque du « ça passe ou ça casse ». « RCP » est une radio à la fois libératoire et laboratoire, « où l’on peut toujours tester des formats et des idées, sans que l’argument du « mais ça n’intéressera personne ! » ne fasse office de frein » rassure Maxime.
Les années aidant, explique-t-il, les locaux de Radio Campus se sont édifiés en centres d’apprentissage pour néophytes : « c’est un lieu formateur pour ceux qui suivent une formation de journaliste, puisqu’ils apprennent à faire du montage, du reportage, à parler dans un micro, à être sur un plateau. J’ai vu pas mal de gens de Radio Campus Paris qui se sont retrouvés sur France Inter, France Culture, RTL, NRJ…« . Les espoirs estampillés Radio Campus ne se trouvent pas seulement dans les sons diffusés. Il faut parfois jeter un œil du côté de ceux qui les passent.
Pour l’amour du podcast
Podcastovores, laissez-vous tenter par les errances sonores de Radio Campus Paris, station insomniaque des plus insolites, puisque immiscée « entre deux mondes : ni radio FM, car en demie fréquence, de 17h30 à 5h30, ni webradio, puisque l’on se trouve quand même en fréquence FM« , souffle Christophe. Pourtant, c’est bien au format podcast si en vogue que l’on pense face à cette programmation où s’enlacent passion indé et peaufinage pro’, « entre l’underground et l’institutionnel, l’alternatif et le populaire, le musical et le rédactionnel, le festif et l’intello« , dixit le directeur d’antenne.
Cette singularité qui fait le sel de ces podcasts qui mettent notre smartphone en surchauffe se ressent de l’émission érotique Les fesses à l’air au « rock qui sent la sueur » de Yummy, des stories d’anonymes de Derrière les fagots aux déclarations d’amour de Chère Hélène. « Face à la « radio de papa », le podcast a permis la démocratisation de sujets très précis. Mais nous, nous avons toujours inclus naturellement cette dimension pointue, rare, qu’on ne trouve pas forcément sur la FM » admet Christophe.
Pour son engagement
Oui, Radio Campus célèbre ses 20 ans l’année du demi-siècle de Mai 68. On pourrait se dire qu’en ces heures de blocus et de manifs, un média étudiant n’a jamais véhiculé autant de sens. Mais sachez-le, la facette « engagée » de l’antenne dépasse le simple contexte socio-politique. « Le militantisme est l’essence-même d’une radio associative » explique Christophe, pour qui cet engagement s’exprime autant par les actes de « tous ces jeunes qui ont envie de changer le monde à leur échelle » que par « le concept de cette radio : défendre une forme de militantisme musical en valorisant un appel à la diversité, à la découverte et à la transmission« . Insouciantes mais jamais inconscientes, les voix qui s’échappent des ondes se politisent à leur façon, en accordant la place nécessaire aux sexualités LGBT par exemple. C’est le cas par exemple des essentielles émissions Le Placard et Thelma et Louise.
Pour voyager
Qui a dit que la radio était un média statique ? Pour célébrer comme il se doit ses 20 printemps, l’antenne du campus investit la capitale tout au long du mois de juin – et s’aventure même jusqu’aux zones franciliennes. Une flânerie estivale qui nous embarque du Rêv Café de Montreuil (pour parler Harry Potter) à la La Gaîté Lyrique (l’occasion de tergiverser sur le turfu des médias sonores). Et du Mains d’Oeuvres de Saint-Ouen (histoire de décrypter l’underground parisien) au Point Ephémère dans le cadre d’une soirée de clôture aux petits oignons. Le programme est si vaste qu’un rebond vers le dossier de presse vous sera nécessaire.
Bref, à l’instar de sa prog’ musicale et culturelle, Radio Campus Paris s’éparpille partout mais sans délaisser sa cohérence et son sens. « Cette radio, c’est 100 émissions, et il n’y en a pas deux qui se ressemblent. Cela fait 20 ans qu’on est là est on est pas prêt de partir ! » conclue Christophe à l’autre bout du fil. Pari(s) lancé.