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Paris

Faut-il en finir avec le mythe de la Parisienne ?

La Parisienne est élégante et désinvolte, coquette et forte, discrète mais pleine d’allure. Tout du moins, c’est ce qui se dit. Alors, faut-il en finir avec ce cliché classieux célébré de Françoise Sagan à Inès de la Fressange, de Juliette Gréco à Jeanne Damas ?

La Parisienne, figure fashion

Impossible de l’ignorer, elle nous suit partout. Des pages glacées des magazines féminins aux pubs qui tapissent les couloirs du métro, des films américains à ces photos de Jane Birkin qui envahissent Instagram. La Parisienne, c’est Juliette Gréco, Anna Karina, Françoise Sagan. C’est aussi ce livre éponyme d’Inès de la Fressange, écoulé à des millions d’exemplaires, dessinant les contours lifestyle de la parigote parfaite : adepte des cafés en terrasse, elle flâne avec nonchalance le long des avenues (Rive gauche de préférence), ne jure que par Agnès b et Saint-Germain-des-Prés. C’est l’icône chic ultime, sublime arrogante en trench ou veste d’homme qui transcende la moindre imperfection en effet de style.

De Chanel (figure matricielle) à Dior, la Parisienne est fashion, porteuse de mantras marketing – manger parisienne, s’habiller parisienne, vivre parisienne. « La Parisienne est élégante car elle sait ce qui lui va ou non, s’habille en fonction de son corps, peut rester des heures dans sa salle de bains à « mal » se coiffer : elle est au-dessus de tout ça, mais en même temps elle ne pense qu’à ça » résume malicieusement Laurence Caracalla, auteur du Savoir-vivre de la Parisienne. Historienne de la mode à qui l’on doit un caustique Les folles heures de la vie d’une Parisienne, Guénolée Milleret admire volontiers « son attitude anti bling-bling, sa propension à mélanger un vêtement vintage avec une robe de haute couture » . Dit comme ça, on imagine la Parisienne faussement spontanée, poseuse et superficielle. A raison ?

La Parisienne, mystère ambulant

« C’est avant tout quelqu’un qui s’ignore, ne se pense pas parisienne mais l’est profondément » tempère Marine, plume à la Mairie de Paris. Du haut de sa trentaine timide, cette ancienne banlieusarde suggère l’idée d’une parisienne inconsciente. C’est d’ailleurs son psy le premier qui lui a dit qu’elle en était une, une vraie de vraie. Après tout, « peu sont parisiennes de souche : en le devenant finalement, la Parisienne semble avoir accepté cette idée et s’être faite acceptée par elle » théorise à l’unisson l’historienne. Allongée sur le divan, la Parisienne s’envisage en un tout insaisissable, « à la fois image, style, attitude (désinvolte), façon d’être (décomplexée), modèle de beauté (naturelle mais jamais négligée), charme vaporeux à la Yves Saint Laurent » définit Marine. A l’image de sa démarche légère, la Parisienne est un mystère ambulant, déambulant même, « en plein milieu de la journée, sans objectif précis et surtout sans en avoir avisé personne ».

Admirable ou agaçante, la Parisienne traîne derrière ses bottines en cuir un parfum d’énigme, « une culture du beau mais aussi du mystère » comme l’énonce Guénolée Milleret. Ce chic sophistiqué qui fait sa marque de fabrique est finalement peu identifiable, flottant comme un poème. « La Parisienne n’est pas unique, il y en a une multitude aujourd’hui. Celle de la Rive gauche mais aussi celle de la Rive droite, du onzième et douzième arrondissement, une Parisienne bohème, différente. Loin de la bourgeoise du seizième ou de Saint-Germain, on la trouve tout aussi bien à Montreuil » disserte Laurence Caracalla. La Parisienne gravite partout et nulle part à la fois. D’ailleurs, si Marie, jeune cheffe de projet de 23 ans née à Paris, entend distinctement « le bruit de ses talons sur les pavés » lorsqu’elle l’imagine, elle peine par contre à cerner ses traits : « je la vois de dos car elle a 1000 visages différents » dit-elle.

La Parisienne, icône féministe ?

On aurait vite fait d’en finir avec la Parisienne, ce fantasme futile. Or, si la Parisienne cultive l’art de plaire cher à Christian Dior, elle savoure aussi bien celui de déplaire. C’est parce qu’elle ne se laisse pas marcher sur les pieds qu’elle poursuit son avancée dans l’imaginaire populaire. C’est tout du moins ce dont se persuade Victoire, illustratrice de 26 ans et Normande exilée, adaptée à Paris et « au mythe de la Parisienne chic et reine« . Ce qui lui plaît dans cette silhouette qu’on devine, ce n’est pas tant son attirail (« jean brut, tee-shirt blanc, marinière, gilet, boots noires à talons carrés pour descendre les marches du métro« ) que ce qu’il cache. Une insolence piquante qui passe par l’esprit, l’arrogance devenant son pouvoir. Icône féministe, « la Parisienne est bien trop libre pour plaire aux machos ! » assure Victoire, qui voit en sa snobinardise « une manière de s’imposer dans un monde encore et toujours masculin, jusque dans ces moments de séduction où les hommes veulent rester maîtres ».

Bref, « si Paris est un théâtre, la Parisienne en est la comédienne, à jamais insoumise » métaphorise Guénolée Milleret. Parce que la Parisienne c’est avant tout une représentation, une image, « cette jeune Sagan dans sa décapotable, avec sa cigarette à la main, son pantalon corsaire, qui faisait rêver toutes les filles de son âge » se remémore avec enthousiasme  Laurence Caracalla. Une douce nostalgie un peu surannée, certes, mais qui promène toujours derrière elle une sorte d’air du temps, par-delà sa patine de carte postale. C’est ce que pense Marine, Parisienne à demi-avouée peut-être, mais Parisienne inspirée, ça oui. « Je ne pense pas qu’il faille « en finir » avec « le cliché de la Parisienne », car derrière lui c’est de Paris dont on parle : indomptable, insoumis, romantique, mystérieux…C’est son ADN, son histoire ».

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