Une vingtaine de touristes, principalement japonais et coréens, seraient victimes du syndrome de Paris chaque année dans la capitale. Mais qu’est-ce que ce trouble si mystérieux qui les atteint souvent après quelques semaines dans la capitale ? Voici des éléments de réponses à prendre très au sérieux…
Le syndrome de Paris : un choc culturel pouvant mener au délire
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Dans les années 80, le Dr. Hiroaki Ota constate que plusieurs de ses patients japonais sont victimes à Paris d’un énorme choc culturel. Une grande désillusion pouvant les mener aux troubles anxieux, à la dépression et parfois même à des états de délire et d’hallucinations. En 1986, le psychiatre de l’hôpital Sainte-Anne théorise alors ces symptômes et les regroupent sous le terme « Syndrome de Paris ».
Bercés par l’image romancée d’un Paris à la Amélie Poulain, beaucoup d’étrangers idéalisent notre capitale. Ils s’imaginent une ville où les femmes sont bien parfumées et se promènent avec des sacs Louis Vuitton. Et où toutes les rues ressemblent à celles de Montmartre. Beaucoup oublient qu’il s’agit d’une ville habitée, où l’on trouve de la pauvreté, de la violence, des déchets…
Les jeunes femmes principalement touchées
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Selon le Dr Ota, les jeunes femmes de moins de 30 ans, installées à Paris pour quelques mois ou années, sont les plus à risques. « Elles ont entre 20 et 25 ans, étudient l’histoire de l’art plutôt que les sciences. Et s’imaginent un Paris plein d’esthètes et de garçons délicats », écrit aussi à ce sujet Philippe Adam dans sa nouvelle intitulée Le Syndrome de Paris publiée en 2005.
« Beaucoup de femmes japonaises viennent dans l’espoir de trouver un homme ! », nous explique l’ancienne stagiaire du Dr. Ota, Olivia Akiko Goto-Grégret. « Mais elles ne s’attendent pas vraiment à marcher dans une crotte de chien, à se faire fouiller leur sac. Ni à entendre dans le métro le message ‘faites attention à vos affaires personnelles’ ». Pour la psychanalyste et psychologue clinicienne, ce syndrome peut toucher tout le monde, même des Français provinciaux en visite dans la capitale.
Des Japonais et Coréens qui perdent pieds
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Mais ceux ayant une culture « tournant autour de la distance entre les personnes », seraient les plus vulnérables : « au Japon, c’est très codifié, il y a un protocole autour de la distance qu’on doit tenir. C’est généralement plus propre aussi, donc pour eux en France, c’est le désordre ! » affirme Olivia Akiko Goto-Grégret. Pour les Japonais éduqués à ne « pas déranger ni froisser les autres », difficile aussi d’être les témoins d’incivilités dans le métro ou d’être approchés par des mendiants.
Selon la spécialiste, les Japonais et Coréens perdraient leurs repères à Paris, bien plus encore que dans d’autres pays européens. « En Allemagne, ils retrouvent leurs codes au niveau du respect de l’heure et du travail. Et en Angleterre, au niveau du langage. Alors qu’en France il y a à la fois la saleté, le toucher physique, la différence de langage etc ». La notion de liberté est aussi très différente : « en France, on a peut-être plus de liberté dans le sens où on l’entend nous. Les Japonais estiment eux que c’est parce qu’il y a des règles qu’on peut se sentir libre ! »
Les personnes touchées ont souvent des antécédents
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Heureusement, les Japonais et Coréens chahutés émotionnellement à Paris ne sont pas tous victimes de décompensation. Selon Olivia Akiko Goto-Grégret, les personnes atteintes d’une forme aiguë du Syndrome de Paris présenteraient très souvent des antécédents. « Une personne venant du Japon et qui est tout à fait à l’aise avec les autres ne va pas avoir de Syndrome de Paris en France. Par contre, pour un Japonais qui a du mal déjà dans son pays, cela peut être catastrophique ! ». Pour elle, cette capacité à s’adapter à une nouvelle culture découle de l’histoire et de l’environnement de chacun.
Aujourd’hui, les cas de Syndrome de Paris observés seraient moins graves que par le passé. En cause, les précautions prises par les professionnels du tourisme, qui préparent psychologiquement les Japonais à leur venue en France. Ainsi que l’apogée d’internet qui permet de lire des commentaires et de s’informer de façon plus réaliste. « Mais », alerte Olivia Akiko Goto-Grégret, « même si avec internet on a plus conscience de la réalité, le fait de le savoir et le fait de le vivre sont deux choses complètement différentes »…